Intelligence économique : les défis à relever
Des méthodes à revisiter ?
Faut il tout chambouler ? Après-tout, le cycle de veille est bien rôdé et a très peu évolué...sourcing, collecte, analyse et diffusion, rince and repeat !
On peut bien entendu, à chaque étape, caler des processus plus ou moins innovants : comme travailler en mode projet avec les utilisateurs, mettre en place une démarche collaborative, s’appuyer sur des experts externes…
Peut être qu’au delà de ce cycle, on peut s’interroger sur le veilleur lui même, finalement quel est son rôle ?“Apporter une information cohérente et pertinente sur un thème défini qui permettra de suivre une actualité, un sujet, un marché...pour, in fine, prendre des décisions”.
C’est un peu schématique, me direz vous, et je vous l’accorde, mais attardons nous sur une dimension plus stratégique.
Au delà des méthodes et des outils qu’il mobilise n’a t’il pas un rôle plus large et plus engageant ?
Voici quelques réflexions que nous pouvons avoir ensemble.
Des veilleurs plus responsables ?
Être responsable, oui, mais de quoi ? Car il ne faudrait pas placer le curseur sur des missions qui n’incombent pas aux missions de veille mais le voir sous le prisme de missions connexes et valorisantes pour notre métier.
Une révolution numérique et informationnelle est en cours, avec des masses de données à disposition, mais il existe des positionnements de monopoles, le veilleur devra être vigilant et s’éloigner du “tout Google” (rappelons que Google centralise environ 92% des requêtes dans le monde ) pour rester garant de la pluralité des sources.
Il devra aussi savoir déjouer les fausses informations (les fameuses fake news) ou les sources tronquées. Mais aussi s’écarter des biais cognitifs issus directement d’un manque d’analyse.
L’information a de la valeur ! Celles qui sont récoltées et analysées deviennent stratégiques, il faut mettre en place des bonnes pratiques pour les sécuriser.
Les pratiques de diffusion (full web, multi services…) sont souvent très laxistes sur ce sujet et une fuite d’information peut être dommageable voir catastrophique pour une entreprise.
Le veilleur a son mot à dire dans ce cadre, en relation avec les responsables des systèmes d’information.
La propriété des données numériques est aussi un enjeu, nous produisons des contenus à forte valeur ajoutée, et générons des masses de données via nos machines (PC, portables, tablettes, et tous les objets connectés qui commencent à foisonner..). Cette matière est largement captée et monétisée par des tiers (encore les GAFA). La souveraineté informationnelle est un enjeu fort des année à venir. Le veilleur doit rester vigilant sur ce point.
En conclusion, le veilleur moderne a de nouvelles responsabilités, mais c’est un ancrage pour valoriser son métier en donnant du sens et une dimension stratégique à ses missions.
Des veilleurs plus visionnaires ?
Anticiper pour avoir un coup d’avance, ou tout au moins être au top sur la fraîcheur de l’information, c’est un rôle connu et reconnu du veilleur, mais si on allait plus loin ?
Par exemple en faisant de la veille prospective ...
On a du mal à désolidariser ce concept de la veille en elle même tant ils sont imbriqués, pourtant on se rend compte que ce sont des méthodes très différentes et qu’il y a plusieurs approches à évaluer.
Dans une étude qualitative pour Archimag (N°328- Auteur Jérôme Bondu), 20 veilleurs ont été interviewés pour recueillir leur vision sur le sujet.
On distingue plusieurs approches plutôt intéressantes qui pourront alimenter vos réflexions :
La prospective découle de la veille “Pour faire de la prospective, il faut d’abord de la veille. La veille est en amont. La prospective découle de la veille”
Distinguer la temporalité : “La veille est sur le court terme, la prospective va travailler sur un temps plus long”
Veille prospective versus veille prédictive: “La veille prédictive est axée sur des chiffres, des statistiques. Elle vise un horizon d’un an ou deux. La veille prospective est elle axée plus spécifiquement sur la mesure des tendances, les non-dits et les signaux”
La veille prospective est elle demandée systématiquement aux veilleurs ? “Non, car cela ne va pas de soit, les demandes sont souvent opérationnelles (même quand elles sont étiquetées “prospectives”), c’et souvent sur l’impulsion du veilleur lui même que des propositions de veille prospective vont être faite”
Il faut connaître son environnement : “Pour faire de la prospective, il faut avoir non seulement un très bon niveau d’analyse, il faut aussi une bonne maîtrise des enjeux de l’entreprise. Cela nécessite une capacité d’animation différente de ce qui est demandé en veille. Ce ne sont pas les même outils ni les mêmes méthodes”
Il faut laisser le temps au temps : “Certaines réflexions prospectives peuvent demander 6 mois. Il faut mener une réflexion de fond et en même temps informer le réseau de veille au fil de l’eau pour gagner en agilité”.
Il faut des interlocuteurs engagés : “Seules 10% des personnes sollicitées jouent vraiment le jeu, les autres invoquent un manque de temps, ou qu’ils ne sentent pas assez experts”
Il faut un animateur : “Au delà d’une disponibilité temporelle et d’une curiosité naturelle, peu de personnes sont au fait des méthodes spécifiques de prospective, il faut donc un animateur pour donner le cadre, les méthodes et les outils”
Il faut savoir faire naitre le besoin : “C’est souvent la veille quotidienne qui va permettre de détecter des sujets, quand on fait circuler des informations utiles, les collaborateurs concernés se déclarent souvent intéressés pour en savoir plus, dans ce cadre il n’y a pas de freins”
Il faut des méthodes adaptées : “Il faut laisser la parole le plus libre possible pour libérer la créativité, aet ne pas chercher à anticiper ce que les participants vont dire (cela crée des biais et de l’autocensure) . Il faut éviter de s’enfermer dans des bulles intellectuelles.Le vrai exercice de prospective est assez long et demande de revenir sur le sujet à plusieurs reprises”
Il faut des outils dédiés : “Les outils d’analyse de texte et de cartographie, d’analyse sémantique, pour créer des graphiques et des courbes. L’outil ne permet que d’aider à la réflexion et de détecter des signaux faibles. Il faut aussi intégrer l’intuition et le flair”
En conclusion, le veilleur peu endosser tout ou partie de ces responsabilités et être force de proposition pour aller plus loin dans ses missions de veille au service de l'intelligence économique.
C'est un bon moyen de se positionner au niveau stratégique et de participer à la prise de décision.